
Pour participer à une session interactive et poser
vos questions en direct à l'orateur :
Dudal link Session interactive : comment ca marche ?
Rappel historique :
Rôle d’un site de pèlerinage, paysage d’Angkor dans l’histoire du Cambodge
Par IM Sokrithy
Directeur adjoint du Centre International de Recherche
et de Dépôt de Documentation d’Angkor
« Angkor » évolue du mot sanskrit « Nokor ». Devenu khmer, il signifie « Capitale royale ». « Angkor » émane donc d’une longue histoire phonologique et sémantique. Cette évolution traduit une civilisation entière particulière et témoigne un développement d’une cité surprenante et incomparable dans l’histoire de l’humanité. Angkor fut non seulement la Capitale d’un Empire mais celle-ci est devenue spontanément une civilisation qui s’élargissait et marquait ses traces dans sa totalité géographique. De ce territoire fut née cette civilisation glorieuse marquée par un maillage formé entre un aspect géographique et les ruines archéologiques. La cité sacré Preah Nokor composée des centaines de temples, les baray, un système hydraulique ainsi que les autres vestiges archéologiques situés dans un espace large laissant apparaître les petites villes et agglomérations. De plus, les différentes formes de rites religieux pratiqués aujourd’hui par les habitants d’Angkor, conservent plusieurs éléments anciens à travers la mémoire des villageois depuis nos ancêtres. Contrairement à la civilisation de nos voisins – de Champa ou Dvaravati – qui disparut, celle d’Angkor subsiste en dépit des modifications de certaines pratiques. Angkor n’a pas disparu avec son époque dévolue mais il garde les vestiges archéologiques, architecturaux et les traces de l’ancienne capitale de l’Empire khmer construite entre le début du IXème et le XVème siècle dont reste la grande partie jusqu’à nos jours. L’histoire de la civilisation angkorienne influence réellement et profondément sur le développement du Cambodge actuel tant sur le plan social que culturel tout en gardant le lien avec nos ancêtres.Les statues de Shiva, de Vishnu et de Boudhha ainsi que l’usage largement répandue du sanskrit ont permis aux savants et chercheurs de comprendre l’origine d’Angkor : hindouisation dès le début de l’ère chrétienne. À la suite de la réunification des petits états, le Roi Jayavarman II monta sur le trône en 802 et qui en se proclama Roi de l’Univers. Il choisit la zone de Siem Reap-Angkor comme sa Capitale royale. Telle était l’importance historique d’Angkor et l’émergence d’un véritable « État », le tout premier État en Asie du Sud-Est.Les rois dirigèrent l’Empire khmer rayonnant dans l’histoire de l’Asie du Sud-Est. De maintes preuves témoignent l’aménagement urbain, le système fiscal, les réseaux routiers, les commerces, la législation, l’usage du sanskrit. Cela traduisait une civilisation de haut niveau de la ville d’Angkor dont l’influence se répandait sur tout le continent asiatique du Sud-est. Les inscriptions lapidaires dans l’ensemble de la région montrent la puissance d’Angkor de l’actuel Laos méridional vers le nord, du nord et du centre de l’actuelle Thaïlande vers le sud et de l’ouest du delta du Mékong vers la frontière est de Pagan. Au milieu du XVe siècle, Angkor, la Capitale, fut abandonné en raison de l’invasion siamoise d’Ayudhya. À l’époque, Angkor était encore peuplé – une province du royaume khmer. Il fut appelé « Province de Nokor/Angkor » entourée par les villages et les pagodes du bouddhisme dit therevada au sein d’une ancienne ville et des temples. Invention prodigieuse khmère, Angkor est le plus grand monument religieux de la planète. Une structure monumentale miraculeuse sans précédent, il est également le symbole de la nation khmère. Il se présente sur les drapeaux et billets de banque du Cambodge. Ce temple a été construit au début du XIIème siècle par le roi Soryavarman II au sein de la Capitale nommée « Angkor ». « Angkor Vat » signifie « la pagode bouddhiste de la Capitale ». Autrefois, il était un temple brahmanique. Certaines inscriptions du temple nous a permis d’estimer de son nom initial « Parama Vishnuloka » (Demeure céleste de Vishnu). À partir du XVIème siècle, il est devenu un important lieu sacré des bouddhistes.Le roi Ang Chan, au XVIè siècle, a restauré certaines parties du temple et a achevé les sculptures de la galerie nord-est. Plusieurs témoignages de restauration se trouvent à Bakan. Pour ce faire, les conservateurs de l’époque se sont servis des pierres d’anciens temples éparpillés çà et là dans l’enceinte du temple. Il était de coutume pour les rois descendants de procéder à l’entretien et à la restauration des ouvrages hérités de leurs ainés. Pour citer la manière dont un souverain pensait de ce devoir, en voici l’inscription lapidaire de 1577 gravée par la reine sur le mur de la tour centrale d’Angkor Vat. Ayant vu mon fils [le roi Ang Chan] doté d’une limpide foi consacrée à la restauration de ce Brah Bisnulok [ancien nom d’Angkor Vat] de l’ancien Cambodge dans sa vraie forme ancienne, Nous éprouvons de la joie et de l’émotion à l’égard de cet état d’esprit.En 1901, le Protectorat français a mis en place l’École Française d’Extrême Orient (EFEO) au Camodge pour protéger les travaux du Conservatoire d’Angkor et les recherches sur les civilisations anciennes. L’EFEO s’appliquait à conserver, à restaurer un certain nombre de grands temples à Angkor, à aménager les différentes infrastructures et à organiser les importants circuits touristiques afin de valoriser et mettre en relief ces vestiges d’une glorieuse civilisation. Ces travaux de conservation et de restauration ont été progressivement entrepris laissant ainsi entrevoir la renaissance d’Angkor au temps moderne. Loin de la zone d’Angkor, les temples anciens représentent la fierté nationale et la force motrice primordiale d’un pays émergent dans une époque contemporaine. Étant donné sa valeur historique et sa réputation, l’image du temple joue un rôle prépondérant à tel point qu’elle figure sur la monnaie, les sceaux et les pièces juridiques sous le Protectorat. Sa représentation iconographique faisait usage de décoration, de décors architecturaux dans les constructions civiles, les monuments et les maisons des particuliers tant à Phnom Penh qu’en zones rurales. L’EFEO a soutenu la création d’une école des arts khmers dans les années 1920 dans l’intention de réunir les formations en matière artistique et ce dans le but aussi d’exposer de nouveau les constructions des bâtiments culturels khmers et le patrimoine de ce pays. L’école n’a pas formé les techniques artistiques et le design moderne mais les artisans ont été formés pour travailler selon la tradition ancienne en vue de reproduire les belles sculptures anciennes dans les temples en pierre. Par ce biais, les arts angkoriens font apparaître leur importance et semblent être très appréciés. Il s’agit d’exposition des concepts de nobles citoyens khmers dont l’héritage culturel et historique fusionne autour des thèmes portant sur Angkor. Au début des années 1950, une presse nationale « Nokor Vat » a fait sa première parution. Une partie du journal adoptait une position à l’encontre de la Chine, du Vietnam et du colonialisme en vue de réclamer l’indépendance en évoquant Angkor à plusieurs reprises pour convaincre ses lecteurs : le passé d’un peuple khmer très puissant, celui qui construisait les temples en pierre témoignant ainsi la solidité d’une « race » et d’une culture khmère à ne pas oublier. La lutte pour clamer l’indépendance a réussi en 1953, presque une décennie après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les premières strophes de l’hymne national du Cambodge, après l’indépendance, fait revivre l’époque glorieuse du passé et l’espoir des hommes de l’époque moderne d’une éternelle réputation et d’une prospérité durable.
1- Que le ciel protège le Roi
Et lui dispense Bohneur et Gloire
Qu'il règne sur nos coeurs et nos destinées
Celui qui, héritier des souverains bâtisseurs
Gouverne le fier et vieux Royaume.
2- Les temples dorment dans la forêt
Rappelant la grandeur du Moha Nokor
Comme le roc, la race khmère est éternelle
Ayons confiance dans le sort du Kampuchéa
L'Empire qui défie les années. […]
De même, pour contribuer aux efforts déployés dans la construction d’une identité khmère, la feue Reine, mère de l’ancien feu Roi Sihanouk a créé une chorégraphie de danse classique en mettant ensemble les costumes anciens et modernes. Il s’agit d’une valorisation d’un site de pèlerinage, symbole de solidarité et de la cohésion.
Au début des années 1960, dans le secteur du Commerce du Cambodge, Angkor est devenu une singularité et emblème de la modernité et du progrès de la nation. Les clients qui acquéraient les véhicules, tracteurs ou motocyclettes de marque Angkor se sentaient rassurés de leur qualité et de leur bon prix. Il était également l’objet de publicité des loisirs et des goûts de spécialités cambodgiennes. Le slogan de la société de la brasserie khmère était « La bière Angkor, mon bonheur » (1969). Les jeunes filles à la mode préféraient le style vestimentaire angkorien à un décolleté ou à une mini-jupe.
Au début des années 1970, le régime de Lon Nol, sotenu par les Américains, a fait un coup d’État pour destituer le Prince Sihanouk. Pour justifier, Lon Nol a soul-evé la question du déclin, la rupture sociale et le gaspillage démesuré du régime précédent tout comme à l’époque angkorienne. En revanche, ce qui était intéressant, c’était qu’Angkor aurait pu être le modèle d’esprit des « Khmers guerriers ».
Le cataclysme a ravagé le Cambodge en 1975. Le pays a subi de gros dégâts causés par la guerre du Vietnam. Pol Pot l’a conduit dans un autre tournant politique. En dépit de son désintérêt pour la mémoire de l’histoire ancienne en faveur de la révolution, Pol Pot a tout de même valorisé les structures socio-économiques de l’époque d’Angkor en les considérant comme un bien fondé du développement agricole de son régime. L’Angkar Khmer Rouge, tout en essayant de comparer son régime à celui d’Angkor, s’est servi d’une doctrine de développement hydraulique d’un ingénieur du XXème siècle pour mettre en œuvre de manière sauvage un régime agricole centralisé dans la production du riz.
Nous avons pu constater qu’après l’obtention de l’Indépendance, la mentalité, les points de vue et la croyance des hommes politiques cambodgiens ont beaucoup évolué : ils hissaient Angkor au plus haut point comme étant le symbole de la gloire, l’identité ethnique, la source du pouvoir d’un peuple. Les tours du temple d’Angkor figurent sur les logos de plusieurs partis politiques importants. Devenu perspective et idéologie, Angkor est la trame servant à lier toutes les tendances politiques durant des fractures entre elles dans le paysage politique cambodgien.
En 1991, le feu roi Sihanouk avait fait appel à l’UNESCO pour sauvegarder Angkor. En réponse, le Président de l’Organisation s’est mis à lancer une campagne officielle internationale connue sous le nom de « Sauver Angkor ». En 1992, Angkor a été classé patrimoine mondial de l’UNESCO tant sur le plan matériel qu’immatériel. Son inscription sur la liste du patrimoine mondial lui apportait des aides internationales afin de le protéger et fonder une zone historique d’Angkor. La restauration de la danse Apsara, jusque-là représentée pour les visiteurs ainsi que d’autres danses classiques ont été inscrites sur la liste, une image célèbre utile à la renaissance de la culture nationale. Les temples éternisent leur existence à travers des œuvres d’architecture civile, des dessins et artisanats en pierre et en bois. Ce qui signifie qu’une fois de plus, Angkor joue le rôle d’un facteur favorisant la cicatrisation d’une rupture sociale telle que souhaite une société contemporaine. Effectivement, le peuple cambodgien évoque et évoquera son histoire glorieuse, son héritage de cette époque d’Angkor pour toujours.
Certains exemples sont a priori peu importants, or le peuple khmer saurait faire transparaître son caractère historique d’une valeur inestimable en mettant en relief les liens insécables entre patrimoine culturel et la société moderne. Prenons un exemple facilement compréhensible, l’organisation annuelle du nouvel an khmer nommé « Angkor Sangkranta ». Pendant ces dernières années, des millions de Cambodgiens se dirigent à Angkor pour assister à ces quatre jours de fête. Cet événement est à la fois une cérémonie religieuse et une occasion de visite pour certains qui ne le connaissaient pas.
À part son émergence comme étant l’emblème nationale du XXIè siècle, le site est reconnu comme la zone de paysage culturel la plus célèbre en Asie. Le nombre des visiteurs a atteint environ 3 millions par ans. De plus, Angkor est devenu le patrimoine mondial le plus connu de l’UNESCO. Un autre point remarquable est que le tourisme international et le patrimoine mondial, ressources industrielles dans une période de mondialisation moderne ont repris contact l’un avec l’autre dans une communication extérieure à Angkor.
Les recherches récentes sur les graffitis et dessins des murs d’Angkor Vat ont montré de longs voyages des visiteurs d’Angkor. Les poèmes gravés sur les murs du temple témoignent le périple des voyageurs chinois au début de la dynastie Qing. Les lettres écrites par un pinceau d’encre noire révèlent la présence des visiteurs nippons au début du XVIIè siècle. Les véritables intérêts de ces textes étaient les notes de leurs offrandes dédiées aux statues de Bouddha à l’intérieur du temple. À l’époque, Angkor était le centre bouddhique pour les pèlerins qui acquéraient leur mérite en Asie du Sud-Est. Par ailleurs, l’inscription en arabe – extrait du Coran – a été découverte à Phnom Bakheng : ceci témoigne que le lieu qui abritait à la fois les statues de Boudhha et des divinités brahmaniques est devenu un lieu sacré polythéiste.
25 ans se sont passés. Les travaux de sauvegarde d’Angkor se poursuivent pour assurer la conservation et la gestion du parc d’Angkor. Les nouveaux programmes soutenus par les 20 pays fonctionnent à l’ombre du patrimoine mondial reflètent les liens d’amitié de longue date même dès la période préhistorique entre la zone d’Angkor, l’Asie et le monde entier.
22222

Bruno Magnone
L'intérêt d'Albert pour la science est éveillé par une boussole alors qu'il est âgé de cinq ans : l'existence d'une action à distance lui paraît « miraculeuse » et l'étonne très vivement. À douze ans, un petit livre sur la géométrie euclidienne du plan2, qu'il nommera plus tard le « livre sacré de la géométrie », le marque fortement (« la clarté et la certitude des démonstrations eurent sur moi un effet indescriptible »).